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le Roy trouva un peu plus de douceur dans l’eſprit d’Aretaphile : & tout ce qu’il y avoit d’Amants en cette Compagnie les plus maltraitez ; eurent du moins quelque trefue à leur ſuplice : & furent malgré eux enchantez d’un ſi aimable lieu : que l’on voit borné tout à l’entour d’une Paliſſade fort haute, fort eſpaisse, & fort brune : où dans des Niches que l’on a pratiquées de diſtance en diſtance, font des Statües de Marbre blanc, les plus belles que la Grece ait jamais veû faire. Mais Seigneur, il paroiſt bien que je ſuis moy meſme enchanté dans un lieu ſi plein de charmes, puis que je m’y arreſte ſi long temps. Il faut donc que je me haſte d’en faire partir une ſi belle Compagnie : que Philoxipe reconduiſit luy meſme juſques à Paphos, apres luy avoir encore fait offrir une Colation magnifique. A quelques jours de là, eſtant revenu chez luy, avec intention d’y eſtre deux journées entieres à s’entretenir luy meſme, il employa tout ce temps là fort agreablement. Mais comme l’humeur de Philoxipe eſt de preferer les beautez univerſelles où l’Art ne ſe mefie point, à celles où il entreprend de perfectionner la Nature : il ſortit de ſon Parc, & ſans vouloir eſtre accompagné que d’un Eſcuyer, il fut au bord de la riviere, avec intention de remonter juſques à ſa Source, qui n’eſt pas fort eſloignée de là : & qui certainement eſt une des plus belles choſes du monde. Car Seigneur, cette merveilleuſe Source qui forme toute ſeule une riviere, eſt enfermée entres Rochers, d’une hauteur exceſſive : au pied du plus grand, & du plus eſlevé, eſt une Grotte profonde, qui s’eſtend à perte de veüe à droit & à gauche, ſous ces Rochers inacceſſibles. Au fonds de cette Grote eſt une Source tranquile : qui quelquefois