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contraire, reſpondit la belle Princeſſe de Salamis, il me ſemble que pour punir mon Frere de ſon inſensibilité, il ſeroit plus juſte de deſirer qu’elle fuſt auſſi fiere que belle : & je doute meſme, adjouſta Aretaphile, ſi pour un plus grand chaſtiment, il ne faudroit point la luy ſouhaiter ſtupide & orgueilleuſe : ou pluſtost, dit la Princeſſe Agariſte, inconſtante, volage, & changeant d’humeur tous les jours : & pour le punir mieux encore, adjouſta le Roy en riant, qu’elle euſt enſemble, tout ce que vous venez de dire. A ces mots, Philoxipe leur demanda grace : & les ſupplia tous de le laiſſer du moins joüir du repos que la liberté donné à ceux qui la poſſedent : Mais comme le Soleil s’eſtoit deſja aſſez abaiſſé, il propoſa la promenade à cette belle Compagnie, qui l’accepta ſans reſistance.

Il la mena dans un grand Parterre qui eſt une Iſle : parce qu’il a fait conduire un bras de la Riviere de Clarie tout à l’entour. De là paſſant ſur un petit Pont à Baluſtrade de cuivre, il les conduiſit dans une Allée d’Orangers de douze cens pas de long, que le Soleil ne sçauroit jamais penetrer, tant ces beaux Arbres ſont grands & couverts de feuilles & de fleurs. Cette Allée eſt encore traverſée par le milieu, d’un grand Canal d’eau vive : & l’on ſe trouve enfin en un endroit où il y a onze Allées qui ſe croiſent, au bout deſquelles l’on trouve par tout la Riviere : qui ſemble, pour ainſi dire, ſe plaire ſi fort en ce lieu là, qu’elle ne le puiſſe abandonner. Toutes ces Allées ſont ou d’Orangers, ou de Citronniers, ou de Mirthes, ou de Lauriers, ou de Grenadiers, ou de Palmiers : mais apres eſtre arrivez au bout d’une deces Allées que Philoxipe leur fit prendre ; ils ſe trouverent dans une grande Prairie, que la Riviere r’aſſemblée en