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haut de cette Peinture, ſemble luy dire qu’elle veut que les flames dont il embrazera les cœurs, ſoient plus pures que les rayons de ce bel Aſtre. Enfin, Seigneur, cette Deeſſe eſt repreſentée en plus de vingt endroits de cette Gallerie : mais quoy que ce ſoit en des occupations differentes ; & que par conſequent (pour parler en termes de Peinture) les Attitudes ne ſoient pas ſemblables : c’eſt pourtant touſjours le meſme viſage. Et le Peintre s’y eſt tellement aſſujetty, qu’il n’y a nulle difference entre toutes ces Figures qui repreſentent Venus Uranie ; que celle que les diverſes ſcituations de ſon viſage y doivent raiſonnablement aporter. Il eſt certain qu’encore que tout ſoit beau en cette Galerie, cette Figure eſt incomparablement au deſſus de tout le reſte : toutes les autres ſont des Figures, mais celle là ſemble une perſonne effective, mais une perſonne Divine ; eſtant certain que jamais l’on ne peut rien voir de plus beau. Auſſi vous puis-je aſſurer, que toutes les belles Dames que Philoxipe fit entrer dans cette Galerie, en eurent de la confuſion : & advoüerent toutes malgré elles, que leurs Miroirs ne leur faiſoient rien voir de ſemblable. Toute la Compagnie attacha les yeux ſur un ſi beau viſage : & tomba d’accord en ſecret, que l’imagination du Peintre avoit eſté mille degrez au deſſus de tout ce que la Nature leur avoit jamais fait voir de plus beau & de plus accomply. Je dis en ſecret, Seigneur, car vous jugez bien que le Roy & tant de jeunes Gens de qualité qui l’accompagnoient, eſtoient trop galans pour dire une pareille choſe, devant tant de belles Perſonnes. Ils advoüoient pourtant tout haut, que l’on ne pouvoit rien voir de plus charmant que cette Peinture : & ſe contentoient chacun en particulier,