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l’on ne devoit pas craindre de s’ennuyer. Philoxipe avoit donné un ſi merveilleux ordre à toutes choſes, ſoit pour les ſuperbes Meubles de ſa Maiſon ; ſoit pour la magnificence du Feſtin ; ou pour l’excellence de la Muſique ; que le Roy pour le loüer autant qu’il pouvoit, dit tout haut que quand Philoxipe euſt eſté amoureux, & que ſa Maiſtresse euſt eſté en cette Compagnie, il n’euſt pû faire que ce qu’il faiſoit. Au contraire, Seigneur, luy dit Philoxipe, je penſe que ſi je l’avois eſté, toutes choſes auroient encore eſté plus en deſordre qu’elles ne font : ne me ſemblant pas poſſible de perdre la raiſon, & de conſerver aſſez de tranquilité pour de ſemblables petits ſoings. Le Roy ſe mit alors à faire la guerre à Philoxipe ; & à luy dire qu’il connoiſſoit peu les effets de cette paſſion. Mais il la luy fit plus d’une fois : tant parce qu’en effet il euſt eſté difficile de trouver un ſujet d’entretien plus divertiſſant ; que parce qu’en reprochant à Philoxipe ſonignorance en amour, il trouvoit lieu de faire connoiſtre galamment à la Princeſſe Aretaphile qui l’eſcoutoit, que la paſſion qu’il avoit pour elle, l’y avoit rendu très sçavant. Philoxipe ſe deffendoit le mieux qu’il luy eſtoit poſſible : Tantoſt il diſoit que la crainte de n’eſtre point aimé l’empeſchoit d’aimer : tantoſt qu’il avoit une ame delicate, qui fuyoit les plaiſirs que l’on ne pouvoit avoir ſans peine. En ſuitte que l’amour n’eſtant pas une choſe volontaire, il n’eſtoit pas coupable de ce qu’il n’aimoit point : & pour derniere raiſon, il diſoit que la difficulté du choix, faiſoit qu’il ne ſe determinoit à rien, & qu’il ne ſe pouvoit determiner. Car, Seigneur, dit il au Roy, le moyen d’eſtre aſſez hardy, pour oſer preferer quelqu’une de tant de belles Perſonnes que je voy à toutes