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changer plus rien, il ſe fut reſolu de quitter ſon Païs pour dix ans ; ce Grand homme, dis-je, venant en noſtre Cour ; Philoxipe qui n’eſtoit encore qu’eu ſa dixhuictiſme année, fut ſa paſſion, comme il fut celle de Philoxipe : qui tant que Solon fut en noſtre Iſle, abandonna tous ſes plaiſirs & toutes nos Dames, pour s’attacher inſeparablement à luy. Pour en joüir meſme avec plus de liberté, il le mena à une Ville qui eſt à ce Prince, & qui s’appelle Aepie : que Demophoon avoit fait baſtir en une aſſiette infiniment forte, mais en une ſcituation ſcabreuse, & de difficile accés : tout le Païs d’alentour eſtant aſpre, ſec, & extrémement ſterile. Solon eſtant donc arrivé en ce lieu là, luy fit remarquer que ceux qui avoient poſé les fondemens de cette Ville, euſſent pû la rendre la plus agreable choſe du monde : s’ils l’euſſent baſtie au bord de la Riviere de Clarie, dans une belle & fertile Plaine, qui eſt au pied de la Montagne ſur laquelle l’on avoit ſcitué l’autre. Mais à peine Solon eut il dit ſa penſée, que Philoxipe forma le deſſein de l’exécuter : & commença de donner les ordres neceſſaires pour cela. En effet Solon fut l’Architecte qui conduiſit cette grande entrepriſe : auſſi Philoxipe voulut il luy en donner toute la gloire : car il fit nommer cette nouvelle Ville Soly, afin de perpetuer la memoire de l’Illuſtre Nom de Solon. Comme ce lieu là n’eſt pas eſloigné de Paphos, qui eſt un des ſejours le plus ordinaire de nos Rois, ils eſtoient fort ſouvent à la Cour : où nos Dames ſe plaignoient quelquefois de Solon, qui leur enlevant Philoxipe, en enlevoit le plus bel ornement. Et pour vous teſmoigner meſme combien l’inſensibilité de ce Prince eſtoit grande ; Solon de qui la vertu n’eſt point auſtere, pour ſe juſtifier