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Apres qu’Artamane eut achevé de lire, il renouvella les civilitez à Artibie : & luy monſtrant la Lettre de Philoxipe, Vous voyez, luy dit il, que les ſouhaits de ce Prince n’ont pas eſté exancez, & que la Fortune dont il parle m’a abandonné : Mais, pourſuivit il ſe tournant vers Leontidas, c’eſt de vous qui je dois recevoir beaucoup de conſolation à mes maux : en m’aprenant du moins, ce qui regarde le Prince Philoxipe. Car enfin, ſi ma memoire ne me trompe, il faut qu’il ſoit arrivé un grand changement en luy : s’il eſt vray qu’il ait aimé, comme il le paroiſt par ſa Lettre : puis que dans le temps que je l’ay connu, il n’aimoit que les Livres, la Peinture, la Muſique, & tous les autres beaux Arts : & que s’il avoit une Maiſtresse, c’eſtoit ſans doute la vertu de Solon, dont je luy entendois parler continuellement. Ha ! Seigneur, reprit Leontidas, il eſt en effet arrivé bien des changemens en la vie du Prince Philoxipe ; & qui vous ſurprendront ſans doute autant, qu’ils ont ſurpris non ſeulement toute la Cour, mais tout le Royaume de Chipre : eſtant certain que je ne penſe pas qu’il y ait une perſonne en toutes les Villes de Paphos, d’Amathuſe, de Salamis, & de Cithere, qui n’ait eu de l’eſtonnement de cette avanture. Artamene ayant alors teſmoigné une extréme envie d’aprendre la fortune d’un Prince ſi illuſtre : Leontidas luy promit de venir le lendemain au matin ſatisfaire ſa curioſité ; & en effet le reſte du jour s’eſtant paſſé en civilitez avec Artibie, ou à donner les ordres neceſſaires à leurs Troupes, apres qu’ils ſurent ſortis de la Priſon d’Artamene : le jour ſuivant Thimocrate & Philocles qui vouloient auſſi aprendre ce qui eſtoit arrivé dans la Cour de Chipre depuis leur départ ;