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liberté, a fin de conſulter avec eux, ſur le retour de Marteſie.

Ils trouverent tous, que le pluſtost qu’elle pourroit voir le Roy ſeroit le meilleur : parce que la certitude qu’il auroit de la fortune de la Princeſſe ; & l’apparence preſque infaillible d’une nouvelle guerre ; le ſeroient peut-eſtre plus facilement reſoudre à delivrer Artamene. Chriſante donc n’ayant pas manqué d’advertir Marteſie, elle parut dés le meſme ſoir : & feignit de ne faire que d’arriver à Sinope Le Roy la reçeut avec une joye extréme : & il en jetta des larmes de tendreſſe : car il n’ignoroit pas combien la Princeſſe ſa Fille l’aimoit. Elle luy aprit les divers enlevemens de Mandane : & luy raconta toutes choſes, à la reſerve de ce qui regardoit Artamene, qu’elle cacha avec beaucoup de ſoing : ne le nommant pas ſeulement un fois en tout ſon recit. Elle ne luy par la pas non plus, de l’Oracle rendu à Babilone, de peur d’embarraſſer ſon eſprit, & de deſplaire à Artamene : & comme le ſien eſtoit adroit, elle paſſa delicatement ſur toutes les choſes qui pouvoient ſervir ou nuire. Ciaxare fut en quelque ſorte conſolé de sçavoir que c’eſtoit le Roy de Pont qui tenoit la Princeſſe en ſon pouvoir : s’imaginant qu’un Prince deſpoüillé de ſes Eſtats, ne trouveroit pas tant de protection qu’un autre. Il creut bien pourtant, que le Roy d’Armenie ſeroit bien aiſe d’avoir un nouveau pretexte de guerre : & dans cette penſée il ſoupira : & ne pût s’empeſcher de ſouhaiter en ſecret, qu’Artamene le miſt bientoſt en eſtat de le delivrer, en luy advoüant ce qu’il vouloit abſolument aprendre de luy. Apres donc que ce Prince eut fort entretenu Marteſie, il la voulut faire loger au Chaſteau : mais elle le ſupplia de ſouffrir