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Artamene : mais où nous ne sçavions pas que l’illuſtre Artamene fuſt priſonnier. Voila ſage Chriſante, quelle a eſté la fortune de la Princeſſe : que j’ay eſté bien aiſe de vous raconter, auparavant que de voir le Roy : afin que vous autres eſtant inſtruits de nos avantures, & moy mieux informée de l’eſtat des choſes ; je sçache plus preciſément ce que je dois dire ou ne dire pas.

Marteſie ayant ceſſé de parler, Chriſante & Feraulas la remercierent de la peine qu’elle avoit eüe : & ſe mirent à repaſſer les merveilleux evenemens qu’elle leur avoit apris. Ils ne pouvoient aſſez admirer la conſtance de la Princeſſe : & cette vertu ineſbranlable, qui la faiſoit agir eſgalement par tout. Ils la conſideroient enlevée par le plus Grand Roy de l’Aſie qu’elle haiſſoit : ils la voyoient en ſuitte entre les mains d’un Prince, pour qui elle avoit beaucoup d’amitié : & ils la regardoient encore, en la puiſſance d’un Roy ſans Royaume. Ils voyoient que la Grandeur du premier, ne l’avoit point obligée d’agir avec moins de fierté aveque luy : que l’amitié qu’elle avoit pour le ſecond, n’avoit point attendry ſon cœur : & que les malheurs du troiſiesme, ne l’avoient pas obligée à le traiter moins civilement que s’il euſt encore eſté ſur le Throſne. Enfin ils voyoient Mandane ſi digne d’Artamene, & Artamene auſſi ſi digne de Mandane ; que les voyant ſeparez & malheureux, leur converſation finit par des ſoupirs, & par des marques de compaſſion & de crainte : la premiere pourtant de malheurs où la Princeſſe avoit eſté expoſée : & la ſeconde pour cét Oracle embarraſſant, qui menaçoit Artamene d’une infortune bien plus grande que celle de ſa priſon. Feraulas pourtant avoit une conſolation fort ſensible de revoir Marteſie : & Chriſante