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pû eſperer de Gens beaucoup plus civiliſez qu’ils n’eſtoient. Nous leur diſmes noſtre advanture, en leur deſguisant les Noms & les qualitez des perſonnes, à cauſe que nous eſtions en Paphlagonie : & nous les priaſmes de nous dire, s’il ſeroit impoſſible de rejoindre le Bateau dont nous leurs parlions ? Ils nous dirent alors qu’il eſtoit ſans doute impoſſible de le pouvoir atraper avec un autre, veû le nombre des Rameurs que nous leur diſions qu’il y avoit, & le temps que nous avions perdu à le ſuivre : & qu’il ne ſeroit guere plus aiſé de le pouvoir faire par terre avec des chevaux : parce que le Fleuve ſerpentant beaucoup, & le Bateau prenant touſjours le milieu de la riviere ; auroit par conſequent moins de chemin à faire que ceux qui le ſuivroient au bord. Joint qu’ils n’en avoient pas à leur Cabane, & qu’il n’y en avoit pas meſme à un Hameau qui eſtoit aſſez eſloigné, n’eſtant habité que de Peſcheurs. Que de plus aſſes prés de là, ce Fleuve eſtoit ſeparé en deux, & l’eſtoit durant plus de cinquante ſtades : & qu’ainſi l’on ne pourroit peut-eſtre sçavoir lequel des deux bras de la riviere ils auroient pris. Enfin Chriſante, nous ne puſmes rien faire que chercher les voyes de revenir icy, où je m’imaginois bien que je trouverois le Roy. J’avois par bonheur le Portrait de la Princeſſe, dans. une fort belle Boëte que je portois depuis long temps, qui nous ſervit en cette occaſion : car en ayant oſté la peinture, Orſane fut à la plus proche Ville la vendre, & achepter des chevaux & un Chariot ; & me laiſſa parmy les femmes de ces Peſcheurs. A ſon retour nous recompenſasmes ces bonnes Gens de leur courtoiſie : & nous partiſmes avec intention de venir en diligence icy : où nous jugions. bien que nous trouverions auſſi