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Aribée, pour prendre le Party du Roy d’Aſſirie. Mais auſſi toſt que nous fuſmes hors de la Capadoce, il ſouffrit que quelqueſfois l’on arreſtast la nuit, afin de laiſſer dormir plus commodément la Princeſſe ; à laquelle l’on avoit fait un retranchement dans le Bateau : qui la ſeparoit de tous ceux qui y eſtoient : & où perſonne que les ſiens n’entroit, à la reſerve du Roy de Pont.

Enfin Chriſante, comme la neceſſité eſt ingenieuſe, la Princeſſe creut qu’il n’eſtoit nullement impoſſible de nous ſauver : de ſorte que je conſultay avec Orſane, & nous reſolusmes de taſcher de nous eſchaper. La Princeſſe avoit voulu qu’il y euſt touſjours la nuit une Lampe allumée dans noſtre retranchement : mais pour executer noſtre deſſein nous l’eſtaignismes : & ſuivant noſtre reſolution, un ſoir que nous eſtions abordez proche d’un grand Bois, Orſane qui s’eſtoit couché tout contre noſtre retranchement, paſſa de noſtre coſté par deſſous la Tapiſſerie ; ſe mit tout doucement dans la Riviere qui n’eſtoit pas fort profonde en cét endroit ; & vint avec le moins de bruit qu’il pût où nous eſtions ; avec intention de nous prendre les unes apres les autres, & de nous porter au bord, où nous pretendions nous enfoncer dans l’eſpaisseur de ce grand Bois que nous avions remarqué en abordant. Comme la nuit eſtoit fort obſcure, quoy qu’il n’y euſt que deux pas à faire, la Princeſſe creut qu’il ne ſeroit pas à propos qu’elle paſſast la premiere : parce qu’elle ſeroit un moment ſeule ſur ce rivage : ſi bien que pour l’empeſcher, elle voulut qu’Orſane me portaſt devant elle. Mais ô Dieux, que je fis mal de luy obeir ! & que la Princeſſe eut de tort, de me faire ce commandement ! Car à peine eſtions nous ſur la rive Orſane &