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il vint dans la Chambre de la Princeſſe : & luy preſentant la main, Madame (luy dit il avec beaucoup de confuſion ſur le vigaſe) il n’eſt pas juſte de vous donner davantage l’incommodité de la Mer : & vous ſouffrirez moins ſur une riviere. Je ſouffriray également par tout, luy reſpondit elle, ſi vous eſtes eſgalement déraiſonnable. Ce n’eſt pas l’eſtre beaucoup Madame, luy dit il, que de vous conduire chez le Roy d’Armenie comme j’en ay le deſſein : La Princeſſe eut alors quelque conſolation, quand elle vit qu’en effet nous abandonnions la Mer : & elle eſpera plus de ſecours par terre ou ſur des rivieres, que dans un Vaiſſeau au milieu des flots. Et puis, quoy qu’elle sçeuſt que le Roy d’Armenie avoit un eſprit ambitieux & remuant, qui ſeroit bien aiſe d’avoir un pretexte de guerre : neantmoins le Prince Tigrane ſon Fils qui eſt ſi vertueux, & qu’elle a autrefois veû à Sinope, la conſoloit un peu. Elle alla donc ſans reſistance, où on la vouloit conduire : nous deſcendismes dans ce grand Bateau que l’on avoit amené : La Princeſſe voulu qu’Orſane nous ſuivist, & deux autres encore, qui fut tout ce que nous puſmes obtenir, de quinze ou vingt qui avoient eſté ſauvez du naufrage : le Roy de Pont prenant ſeulement trente des ſiens, ſans que nous ayons sçeu où il envoya ſon Navire. Et alors l’on commença de vouloir faire remonter le Bateau à force de rames : mais comme la riviere eſt fort rapide, cela dura tres long temps, ſans que les Rameurs en peuſſent venir à bout : de ſorte que nous eſtions preſque touſjours tout contre la terre, parce que le milieu du fleuve l’eſtoit encore davantage. Comme nous regardions ce que je dis, la Princeſſe vit Ortalque ſur le rivage & le reconnut d’abord, bien qu’elle ne l’euſt guere veû aupres