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cette Fille que l’on ne ſongeoit plus à accuſer, commença de s’accuſer elle meſme ; de demander pardon à la Princeſſe ; & de luy promettre une fidelité inviolable. Elle luy dit meſme, qu’elle avoit creû luy rendre office, en contribuant tout ce qu’elle avoit pû, pour la faire Reine d’Aſſirie : & enfin elle parla d’une maniere ſi touchante, & avec tant de remords de ſa faute ; que la Princeſſe la luy pardonna : & certes veû ce qui eſt arrivé depuis, je ſuis bien aiſe de l’avoir laiſſée en de pareils ſentimens. Cependant le Roy de Pont eſtoit en une peine eſtrange : il n’oſoit preſque voir la Princeſſe ; il ne pouvoit auſſi s’en empeſcher ; il euſt bien voulu la delivrer ; il vouloit auſſi ne la rendre point ; & ſans sçavoir où aller ny que faire, nous erraſmes pluſieurs jours ſur la Mer, ſans que le Pilote euſt d’autre ordre que celuy d’eſviter la, terre, & la rencontre de tous autres Vaiſſeaux. Je vous laiſſe à juger en quelle impatience nous eſtions : je parlay pluſieurs fois au Roy de Pont, mais j’y parlay inutilement : & les trois derniers jours que nous fuſmes ſur la Mer, il ne vint point dans la Chambre de la Princeſſe. Nous voiyons bien que nous allions touſjours ſans sçavoir où : Mais enfin ce Prince qui avoit sçeu que le Roy d’Armenie avoit quelque deſſein de ne payer plus de Tribut au Roy des Medes, depuis la mort d’Aſtiage ; creut qu’il trouveroit un Azile en ce lieu là, car il avoit Alliance aveque luy. De ſorte qu’un matin noſtre Vaiſſeau ſe fut mettre à l’anchre, vis à vis de l’emboucheure de la Riviere d’Halis : d’où ce Prince envoya dans un Eſquif s’aſſurer d’un grand Bateau pour remonter ce fleuve à force de rames. Comme on luy fut venu rendre raiſon de la choſe, & l’aſſurer qu’il en auroit un a l’inſtant meſme,