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vous rendant au Roy voſtre Pere, j’aime mieux demeurer deſpoüillé de mes Eſtats, que de vous abandonner & de vous perdre. Prenez garde Seigneur, à ce que voua dittes, reprit la Princeſſe, car en me redonnant la liberté, vous ne me perdrez que de veüe : mais en ne me la redonnant pas, vous perdrez mon eſtime, & me verrez infailliblement perdre la vie en peu de jours : ou au contraire, ſi vous le voulez, vous remonterez ſur le Throſne, avec la ſatisfaction de m’avoir ſensiblement obligée. Le Throſne Madame, reſpondit il, eſt peu neceſſaire à un Prince qui ne peut vivre ſans vous : & s’il ne me fuſt demeuré quelque eſpoir pendant la guerre que j’ay faite, que peut-eſtre trouverois-je les voyes de toucher enfin voſtre cœur par ma perſeverance, je n’aurois pas ſi opiniaſtrément diſputé la Victoire à ceux qui m’ont vaincu. Ce n’eſt pas Madame, que je ne trouve que vous avez raiſon de mépriſer & de mal-traitter un Prince que la Fortune a abandonné : Mais Madame, c’eſt une inconſtante, qui ſuivra peut-eſtre un jour, celuy qu’elle a fuy ſi cruellement : & l’heureuſe rencontre que j’ay faite, me perſuade que tous mes malheurs ſont paſſez, & que calme ſuivra bien toſt la tempeſte. Ouy Madame s’il m’eſt permis de parler ainſi, vous me tenez lieu de ces agreables feux, qui annoncent la fin de l’orage aux Mariniers, & qui remettent l’eſperance dans l’ame de ceux qui un moment auparavant n’avoient que de fun eſtes penſées, l’eſpere donc Madame, que le bonheur me ſuivra par tout, tant que je ſeray aupres de vous ; & qu’il n’eſt point de Païs où je ne trouve un Azile quand je vous y conduiray. Je vous promets toutefois Madame, de n’employer jamais