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effet de l’inconſtance de la Fortune : car quand vous me laiſſastes à Sinope, j’eſtois en eſtat de vous pouvoir faire grace : & je ſuis aujourd’huy en termes d’en recevoir de vous. La guerre vous avoit mis dans les fers du Roy mon Pere, & la Fortune m’a miſe dans les voſtres : je me conſole pourtant de cette captivité, dans l’opinion où je ſuis, que celuy qui m’a ſauvé la vie, m’en voudra laiſſer jouir : & qu’il ſe ſouviendra peut-eſtre qu’il ſortit de la Capadoce ſans rançon. Mais Seigneur, je ne parle pas de cette ſorte, pour ne vous payer point la mienne : au contraire, je ſuis aſſurée que le Roy mon Pere n’en uſera pas ainſi : & je ne doute nullement, que ſi vous le voulez, il ne vous aide à reconquerir le Royaume de Pont, & celuy de Bithinie. Je ſuis ſi riche preſentement Madame, repliqua ce Prince, puis que j’ay l’honneur de vous voir en un lieu où j’ay quelque pouvoir, que je ne ſonge plus à d’autres conqueſtes : & ſi vous ne m’aviez fait ſouvenir de mes malheurs, en me parlant de ma priſon, je penſe que j’aurois abſolument oublié toutes mes pertes & toutes mes diſgraces. Elles ſont pourtant aſſez conſiderables, reprit elle, pour s’en ſouvenir en tout temps & en tous lieux : Toutefois genereux Prince, il faut remedier à vos maux. Vous le pouvez ſans doute, interrompit il en ſoupirant ; Ouy, adjouſta la Princeſſe, mais il faut que ce ſoit par la valeur d’autruy : c’eſt pourquoy Seigneur, faites s’il vous plaiſt que l’on ſe r’aproche de Sinope, afin d’envoyer quelqu’un des voſtres dans un Eſquif, pour s’informer preciſément, en quel lieu eſt le Roy mon Pere. J’avois eu deſſein de l’aller trouver, repliqua ce Prince, pour le ſupplier de ſouffrir que je