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pour Sujets ; & chaſſé enfin par mes plus mortels Ennemis. Je ſuis nay avec deux Couronnes ſur la teſte ; & je ſorts de mes Eſtats avec un ſeul Vaiſſeau, pour Azile & pour retraite. Et reduit en cette extremité adorant pourtant toujours dans mon cœur la divine Mandane : je la trouve preſte à mourir ; je la ſauve ; & je la tiens en ma puiſſance. Ha ! Pharnabaſe, que cette derniere avanture me conſoleroit aiſément de toutes les autres, ſi je pouvois eſperer d’en profiter ! & que la perte de deux Royaumes me ſeroit peu conſiderable, ſi je pouvois conqueſter le cœur de Mandane ! Mais helas, quelle aparence y a-t’il, que les Dieux ayent l’intention que je puis faire cette glorieuſe conqueſte dont je parle ? S’ils en avoient eu le deſſein, ils ne m’auroient pas oſté des Couronnes : Mais quelle aparence auſſi, de me faire trouver la Princeſſe en un ſi déplorable eſtat ; de me donner la joye de la voir en ma puiſſance ; pour me laiſſer apres eternellement la douleur d’avoir perdu mes Royaumes ? Non non, je veux eſperer que m’ayant mis en poſſession d’un Threſor qui n’eſt pas à moy, & que je ne merite pas ; ils me rendront ce qui m’apartient. Mais Dieux ! je ne ſuis pas veritablement amoureux, de me ſouvenir du Throſne aux pieds de Mandane : Non ſuperbe paſſion, qui te vantes de dominer dans le cœur de tous les hommes, tu ne ſeras pas la plus forte dans le mien, & l’amour te ſurmontera. Ouy, malgré toutes mes pertes ; toutes mes diſgraces ; & tout mon ambition ; j’auray de la joye, & je m’y abandonneray agreablement ; dans la ſeule penſée, que Mandane eſt en mon pouvoir. Mais malheureux Prince, reprenoit il, le pourras tu faire ? & eſt il poſſible qu’un Roy deſpoüillé de ſes Eſtats, & qui n’a