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en aye donné la permission : que vous vous teniez tousjours au lieu le moins exposé, afin d’entendre l’evenement du combat que nous allons sans doute faire ; & s’il arrive que j’y sucombe & que j’y meure (comme assurément si je suis vaincu j’y mourray) que vous alliez en diligence porter cette Lettre à l’illustre Mandane : & quoy qu’elle vous puisse dire, ne luy dittes pas que j’estois Cyrus. Vous pourrez luy avoüer ma condition : mais non pas precisément le lieu de ma naissance. Voila mon cher Feraulas, tout ce que je veux de vous : n’y manquez donc pas je vous en conjure : & soyez moy aussi fidelle, en cette derniere occasion, que vous me l’avez tousjours esté ; & que j’ay tousjours eu dessein d’estre reconnoissant de vos services. Seigneur, luy dis-je les larmes aux yeux, ce m’est une cruelle chose, de recevoir sa conmandement de vous, que je ne dois exécuter qu’apres vostre mort : mais j’espere, Seigneur, que la Fortune en ordonnera autrement, je le souhaite, me respondit-il, mais les choies ne s’y disposent pas. Cependant ne manquez à rien de ce que je vous ay dit, adjousta-t’il en m’embrassant, & tesmoignez moy en cette importante rencontre, qu’il n’est point de service si difficile, que vous ne soyez capable de me rendre. Je luy promis, Seigneur, tout ce qu’il voulut : car le moyen de resister à un Prince afligé, amoureux, & inébranlable en ses resolutions ?

A quelque temps delà Chrisante revint, & amena deux prisonniers qu’il avoit faits : qui apurent à Artamene que l’Armée de Phrigie n’arriveroit que le lendemain : & que celle du Roy de Pont, dans laquelle estoit aussi le Roy de Phrigie, ne vouloit point combattre la sienne, que l’autre ne fust arrivée : qui