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beaucoup de part à ſa confidence, il ſe mit à luy parler de l’eſtat preſent de ſon ame. Orſane qui eſt icy, & qui n’avoit pas tant ſouffert que nous de noſtre naufrage, parce qu’il sçavoit nager, eſtoit dans une autre petite tout aupres, d’où il pouvoit entendre tout ce que je m’en vay vous dire, & tout ce qu’il nous raconta le lendemain. Car encore qu’il euſt eſté à Mazare, il nous avoit tant ſervies à Babilone, que nous l’en traitaſmes pas plus mal. Orſane donc eſtant au lieu que je vous ay deſigné, entendit à travers les planches de ſa Chambre, que le Roy de Pont dit à celuy auquel il commença de parler, Advoüez Pharnabaſe, que mon deſſein eſt bien particulier ; & que les Dieux me traitent d’une façon bien rigoureuſe. Car ſi ſans conſiderer les anciens malheurs de ma Maiſon, je repaſſe ſeulement en mon eſprit, tout ce qui m’eſt advenu dans la paſſion que j’ay pour Mandane ; ne dois-je pas croire que je ſuis reſervé à de bizarres avantures : Je ſuis donné en Oſtage à Ciaxare, & je deviens amoureux de la Princeſſe ſa Fille : je n’oſe le dire ouvertement, parce que ſelon les apparences je ne dois pas eſtre Roy : & cependant en ſortant de Priſon, je me trouve ſur le Throſne ; & au meſme inſtant je fais demander la Princeſſe Mandane à Ciaxare qui me la refuſe. Je fais la guerre, ſuis malheureux : & juſques au point de perdre la liberté & d’aimer paſſionnément mon Vainqueur. Je ſorts de cette Priſon par ſa generoſité : mais j’en ſorts pour commencer une guerre civile, & ſans pouvoir rompre les chaines qui m’attachent à Mandane. Que vous diray-je de plus Pharnabaſe ? vous sçavez le reſte : j’ay eſté batu ; pourſuivy ; par ceux que le Roy mon Pere m’a laiſſé