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fortune, & qu’en eſperez vous ? Madame, luy dis-je, il vous arrive des choſes ſi extraordinaires, que je penſe qu’il y auroit beaucoup de temerité à vouloir juger de ce qui vous doit advenir : Car enfin Madame, puis que le Prince Mazare m’a trompée, je ne me fie plus à rien : & je croy que l’on peut ſe deffier de toutes choſes. Il me ſemble toutefois que vous eſtes échapée trop miraculeuſement d’un peril qui paroiſſoit inevitable, pour n’eſperer pas que les meſmes Dieux qui vous ont ſauvée vous protegeront. Pour moy, luy dis-je encore, je croy que la tempeſte ne s’eſt eſlevée que pour punir le malheureux Mazare ; Peut-eſtre, me reliqua la Princeſſe, n’eſt il pas mort non plus que nous : car enfin quand la Galere a eſté briſée, je me ſouviens qu’il eſt venu à moy au meſme moment : & apres que nous avons eſté dans l’eau, je l’ay encore veû, ou du moins je me le ſuis imaginé, qui me ſoustenoit avec l’Eſcharpe que j’avois. Mais il me ſemble que ne voulant pas accepter ſon ſecours, j’ay fait effort pour me dégager de luy : que cette Eſcharpe s’eſt deſtachée ; & qu’alors j’ay perdu la raiſon & la connoiſſance. Madame, luy dis-je, il y a apparence que ce que vous dittes n’eſt pas une ſimple imagination : car en effet voſtre Eſcharpe ne ſe trouve point. Ainſi il eſt à croire que ce malheureux Prince n’ayant pû vous ſauver aura pery : & que comme je le dis, la tempeſte ne ſe ſera eſlevée que pour le punir. Et peut eſtre auſſi, adjouſta la Princeſſe, les Dieux ne m’auront ils ſauvée, que pour me rendre encore plus malheureuſe. Car enfin, Maneſie, c’eſt une eſtrange choſe à s’imaginer, que de tout ce qu’il y a, d’hommes vivans au monde, il n’y a que le Roy d’Aſſirie & le Roy de Pont,