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voix m’ayant redonné de la force, je m’aprochay d’elle, comme elle regardoit attentive ment un homme qui eſtoit à genoux aupres de ſon lict & qui luy tenant le bras, taſchoit de connoiſtre par le mouvement du pouls ſi la force ce luy revenoit. Comme j’arrivay donc, & qu’elle me reconnut, Marteſie (me dit elle, en retirant ſon bras d’entre les mains de cet homme, avec autant de precipitation que la foibleſſe où elle eſtoit le luy pouvoit permettre) où ſommes nous ? Madame, luy repliqua celuy dont j’ay deſja parlé, vous eſtes en lieu où vous avez une authorité abſolüe : cette voix m’ayant ſurprise, & ayant ſurpris la Princeſſe, elle ſe leva à demy pour regarder celuy qui luy avoit reſpondu : & nous reconnuſmes toutes deux à la fois, que celuy qui nous aſſistoit eſtoit le Roy de Pont. Le Roy de Pont ! (interrompirent alors Chriſante & Feraulas) amoureux de la Princeſſe, & qu’Artamene avoit fait priſonnier ? Eh Dieux, eſt il bien poſſible qu’un cas fortuit ſi prodigieux puiſſe eſtre veritable ? Ouy ſage Chriſante, pourſuivit Marteſie, & voicy comment la choſe eſtoit arrivée. Vous avez peut-eſtre bien sçeu le malheureux ſuccés de la guerre qu’il avoit contre Arſamone : & comment de tous ſes deux Royaumes, il ne luy reſtoit preſque plus qu’une ſeule Ville maritime, dans laquelle il fut aſſiegé. Mais vous n’allez pas sçeu que voyant que cette Ville alloit eſtre forcée, il ſe reſolut du moins, de dérober ſa Perſonne à la Victoire de ſes Ennemis : & de s’en fuir dans un Vaiſſeau comme il ſit. Ce qu’il y a de plus admirable, eſt que ce Prince ne sçachant où trouver un Azile ; & peut-eſtre preſſé par ſa paſſion, qui ne l’avoit