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fracas effroyable, parmy lequel je diſcernay la voix de Mazare, qui s’ecria, Juſtes Dieux ſauvez la Princeſſe.

Mais depuis cela, je ne sçay plus ce que nous devinmes : & il me ſouvient ſeulement, qu’au lieu de voir de l’eau il me ſembla que je vy un grand feu qui m’eſbloüit, & qui me fit perdre toute connoiſſance. Cependant ſage Chriſante, les vœux du malheureux Mazare furent exaucez. & nous échapaſmes d’un ſi grand peril. Mais à vous dire la verité, ce fut d’une maniere bien eſtrange : & qui vous ſurprendra peut-eſtre autant, que nous fuſmes ſurprises nous meſmes. Vous sçaurez donc, que la premiere choſe que je vy apres noſtre naufrage, fut qu’entr’ouvrant un peu les yeux, je vy des Gens qui faiſoient ce qu’ils pouvoient pour me faire ouvrir la main avec la quellle je tenois la robe de la Princeſſe (car comme vous sçavez Chriſante, l’on ne quitte jamais ce que l’on tient en tombant dans l’eau) cette veüe & le mal qu’ils me faiſoient, me firent plus revenir, que tous les remedes qu’ils m’avoient deſja faits : de ſorte que faiſant un peu d’effort. Que voulez vous, leur dis-je, & qui eſtes vous ? Nous tommes, me reſpondirent ils, des perſonnes qui veulent ſecourir la Princeſſe Mandane, & vous ſecourir vous meſme. A ces paroles j’ouvris la main ; je laiſſay aller la Princeſſe ; & je leur dis que les Dieux les recompenſeroient d’un ſi charitable office. En ſuitte dequoy, revenant peu à peu à moy meſme, je vy premierement Arianite, & puis la Princeſſe, qui revenoit auſſi bien que moy : & qui apres avoir entre-ouvert les yeux, m’appella ſans sçavoir preſque ce qu’elle diſoit. j’eſtois encore ſi eſtourdie, qu’à peine me pus-je lever de deſſus un lict où l’on m’avoit miſe : mais enfin ſa