Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/459

Cette page n’a pas encore été corrigée

haïray plus mille fois, que je n’ay haï le Roy d’Aſſirie : & je vous regarderay comme eſtant incomparablement plue criminel. Mais comme eſtant auſſi, interrompit ce Prince, incomparablement plus amoureux. Non non, luy dit elle, ne vous y trompez pas : je n’appelleray jamais amour, l’injuſte paſſion qui vous fait agir ; & je la nommeray freneſie, fureur, & quelque choſe de pis. Quoy, Mazare, reprit elle toute en pleurs, vous pourrez vous reſoudre à perdre mon eſtime & mon amitié ? Vous que je regardois comme mon Protecteur à Babilone, & comme mon Liberateur à Sinope. Vous aimerez mieux eſtre mon Raviſſeur & mon Ennemy ; vous aimerez mieux me voir expirer de douleur, que de me laiſſer vivre heureuſe ? Ne voyez vous pas (pourſuivit elle en remarquant que la tempeſte redevenoit plus force) que vous avez irrité les Dieux, & que ſi vous ne les appaiſez par un prompt repentir, ils vont vous punir de vos crimes par un naufrage ? Ha Madame, s’eſcria ce malheureux Prince, s’ils vous peuvent ſeulement ſauver de ce naufrage, que je ſeray heureux de perir ! & que je l’euſſe eſte ſi je fuſſe mort à Babilone, quand j’eſtois encore innocent ! Mais, Madame, que vouliez vous que je fiſſe ? & le moyen de voir tous les jours la Princeſſe Mandane ; de la voir, dis-je, douce, civile, & complaiſante ; & de ne l’aimer pas ? Ceux qui ne vous voyoient qu’irritée, ne laiſſoient pas de vous aimer ; & je vous aurois pû voir infiniment obligeante, & infiniment bonne, ſans avoir pour vous une ſorte paſſion ? Ha ! Madame, cela n’eſtoit pas poſſible. La Princeſſe voyant alors que Mazare demeuroit dans une irreſolution qui ne luy permettoit pas de, ſe determiner abſolument à rien : entra en un ſi grand deſespoir, que je