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commandement, & croyant toutefois encore, ou qu’elle avoit mal entendu, ou que ce Prince s’eſtoit mal expliqué : Mon cher Liberateur, luy dit elle, ſongez vous bien à ce que je vous ay dit, où penſez vous bien à ce que vous dites ? Ha ! Madame, luy dit il en ſe jettant à genoux devant elle, ne me donnez plus un Nom dont je ne ſuis pas digne : & ſuspendez de grace voſtre jugement, juſques à ce que vous sçachiez ce que j’ay fait contre moy, auparavant que d’avoir rien fait contre vous. Ne m’apellez donc ny vôtre Liberateur, ny vôtre Raviſſeur : & ne prononcez pas un Arreſt injuſte, contre le plus paſſionné de tous vos Adorateurs, Quoy, luy dit la Princeſſe toute ſurprise, Mazare ne ſeroit pas genereux : Mazare m’auroit trompée ; & Mandane ne ſeroit pas en liberté ? Mazare (repliqua ce Prince, avec une douleur ſans eſgale) eſt nay genereux, & a veſcu genereux ; juſques à ce que l’amour qu’il a pour Mandane, ait force ſon cœur à ne l’eſtre plus. Mais, Madame, vous ne laiſſez pas d’eſtre libre, pour ſuivit il, & je vous proteſte en preſence des Dieux que j’ay irritez, que vous n’aurez jamais ſujet de vous plaindre de ma violence. Je ne veux, Madame, que vous mettre en lieu où je puiſſe vous faire connoiſtre, la plus reſpectueuse paſſion qui ſera jamais : Vous m’avez teſmoigné avoir quelque amitié pour moy : ne paſſez donc pas en un moment de l’amitié à la haine ; & donnez moy quelques jours, à vous faire comprendre ce que je ſens, pour la Princeſſe Mandane. Non, Mazare, luy dit elle, je ne sçaurois vous accorder ce que vous deſirez de moy : vous eſtes ſeul le Maiſtre abſolu de ma haine ou de mon amitié : & ſi dans le moment que je parle, vous ne vous repentez de voſtre faute, je vous