qu’en cas que la tempeſte fuſt plus forte que l’art du Pilote, ou que la force des rames, il iroit pluſtost briſer ſa Galere au pied de la Tour du Chaſteau, que de prendre l’emboucheure du Port. Enfin le jour eſtant venu, nous euſmes un peu moins de frayeur : tant parce que l’obſcurité augmente la crainte, que parce qu’en effet il y eut un quart d’heure un peu devant que le Soleil paruſt, où le vent ne fut pas ſi fort. La Princeſſe eſtant donc ſur la Poupe, remarqua qu’il y avoit des Gens de guerre dans Sinope, qui combatirent au milieu des flames au pied de la Tour : elle n’eut pas pluſtost veû cela, que regardant Mazare avec une joye extréme ; Ha ! genereux Prince, luy dit elle, la tempeſte nous aura peut eſtre eſté favorable : puis que s’il n’en euſt point fait, je n’aurois pas veû ce que je voy. Voyez, luy dit elle, voyez ces Troupes qui combatent dans Sinope ; elles ſont aſſurément de l’Armée du Roy mon Pere : & peut-eſtre meſme que l’illuſtre Artamene y eſt en perſonne. Si cela eſt, il luy ſera aiſé de ſe rendre Maiſtre d’une Ville embrazée, & de prendre meſme le Roy d’Aſſirie. C’eſt pourquoy mon cher Liberateur, commandez à vos Rameurs de n’aller pas ſi viſte ; faites que l’on mette la chaloupe en mer : & envoyez reconnoiſtre, ce que je dis : car ſi cela eſt, nous n’aurons que faire d’aller plus loing, puis que nous trouverons du ſecours ſi proche. Mazare entendant parler la Princeſſe de cette ſorte, changea de couleur : & regardant aſſez long-temps les Troupes qu’elle luy avoit monſtrées, il reconnut beaucoup mieux qu’elle, qu’infailliblement c’eſtoient des Troupes de l’Armée de Ciaxare : c’eſt pourquoy ſans reſpondre à la Princeſſe, il commanda de faire ramer avec toute la diligence poſſible. Mandane ſurprise de ce
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