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dans ſes Tablettes ; mais durant que nous attendions dans l’Antichambre, l’heure que Mazare nous dit qu’il faloit partir, la Princeſſe ſe ſouvenant qu’elle avoit oublié à les laiſſer ſur ſa Table, le pria de ſe vouloir donner la peine de les y porter : luy diſant qu’il les ouvriſt, & qu’il viſt ce qu’elle y diſoit de luy. De ſorte que ce Prince les prit & les fut porter dans la Chambre de la Princeſſe : où à mon advis, il leût ce qui eſtoit eſcrit dedans : car il tarda un peu à revenir. Je ne vous dis point ce qu’il y avoit dans ces Tablettes, car vous pouvez à peu prés l’imaginer : tant y a Chriſante, que nous ſortismes du Chaſteau, nous nous embarquaſmes, & la Galere ramant avec violence, nous abandonnaſmes Sinope. Un moment apres, nous viſmes le Port tout en feu, & peu de temps en ſuitte toute la Ville, ce qui ſur prit & affligea eſtrangement la Princeſſe : car elle n’avoit pas sçeu la choſe, & n’y auroit ſans doute pas conſenty ſi elle l’euſt sçeuë, tant ſon ame eſt tendre & pitoyable. Neantmoins la joye d’eſtre hors de la puiſſance du Roy d’Aſſirie, la conſola aiſément d’une douleur que la ſeule compaſſion luy donnoit : & elle ne ſongea plus qu’à apeller cent & cent fois Mazare ſon Liberateur.

Cependant la Mer s’eſleva : & les Mariniers aſſurerent qu’il alloit y avoir une tempeſte aſſez forte : en effet elle commença bientoſt apres : & le vent que nous avions eu ſi favorable, nous devint contraire, & penſa nous repouſſer malgré nous plus de vingt fois vers le Port de Sinope. De vous repreſenter quelle eſtoit l’inquietude de la Princeſſe en ces momens là, ce ſeroit vous mettre l’ame à la geſne, comme nous y eſtions : & il ſuffira de vous dire pour le vous faire comprendre, qu’elle voulut obliger Mazare à luy promettre