vous dire Chriſante, tout ce que Mandane dit à ce Prince pour luy rendre grace, de la compaſſion qu’elle croyoit qu’il avoit de ſes malheurs, ce ſeroit une choſe aſſez difficile : tant elle exagera l’obligation qu’elle luy avoit. Mazare recevoit ces remercimens avec tant de confuſion, & tant de trouble d’eſprit, qu’elle luy en eſtoit encore plus obligée ; s’imaginant que la ſeule peine qu’il avoit à faire une trahiſon au Roy d’Aſſirie, le mettoit en cét eſtat. Mais Mazare, luy dit elle, où irons nous aborder, pour aller ſeurement au lieu où eſt le Roy mon Pere ? Madame, luy reſpondit il, quand nous ſerons hors de la puiſſance de voſtre Ennemy, nous en delibererons mieux qu’icy : Vous avez raiſon, luy dit elle, & auſſi toſt apres il la quitta. Mais enfin la nuit eſtant venue & fort avancée, le Prince Mazare qui avoit gagné non ſeulement ceux qui gardoient la Porte du Chaſteau qui donnoit vers le Port, mais auſſi tout ce qu’il y avoit de Soldats en ce lieu là, & un Eſcuyer du Roy d’Aſſirie, qui luy oſta le ſoir ſon eſpée d’aupres de luy ſans qu’il s’en aperçeuſt, vint prendre la Princeſſe, qui ſe trouva fort embarraſſée de ce qu’elle ſeroit d’Arianite, en qui elle ne ſe fioit pas. Elle creut pourtant qu’il la faloit emmener ; parce que ſi on l’euſt laiſſé, elle euſt pû faire du bruit. Nous luy diſmes donc que le Roy d’Aſſirie venoit d’envoyer Mazare dire de ſa part à la Princeſſe qu’il ſe faloit embarquer ; & nous teſmoignasmes d’eſtre fort affligées d’obeïr, afin qu’elle ne ſoubçonnaſt rien : car nous commencions de croire qu’elle avoit intelligence avec ce Prince. j’oubliois auſſi de vous dire que Mandane qui vouloit autant qu’elle pouvoit faire connoiſtre au Prince Mazare, qu’elle ſongeoit à le proteger, avoit eſcrit au Roy d’Aſſirie
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