Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais Dieux, adjoustoit-il, mourray-je sans que l’illustre Mandane sçache que je seray mort pour elle ? & n’auray-je point cette triste consolation, de pouvoir esperer qu’elle n’ignorera pas absolument les maux que j’ay soufferts depuis le premier moment que je l’ay veuë ? Peut-estre que si elle aprend mon amour en aprenant ma mort, la connoissance qu’elle en aura, n’irritera pas son esprit : & qu’elle pardonnera aisément à un homme, qui n’aura perdu le respect qu’en perdant la vie. Aprenons luy donc en mourant, poursuivit-il, que nous n’avons vescu que pour elle : Mais pour amoindrir nostre faute, faisons luy connoistre nostre condition : sans luy aprendre pourtant veritablement qui nous sommes. Il suffira qu’elle sçache qu’Artamene estoit de naissance Royalle, sans sçavoir que Cyrus & Artamene n’estoient qu’une mesme chose. Ne mettons point nous mesmes, poursuivoit-il, d’obstacle à la compassion que nous attendons de sa bonté : & n’arrestons pas les l’armes, que nous esperons de la tendresse de son cœur. Je sçay bien, disoit-il encore, que les plaisirs du Tombeau ; font des plaisirs peu sensibles : mais du moins si j’ay à perdre la Bataille & la vie, je perdray l’une & l’autre plus doucement par cette esperance : & je murmureray moins, de la rigueur de ma destinée. Cette pensée, Seigneur, flatta de telle sorte le desespoir d’Artamene, que sans differer davantage, il se mit à escrire à la Princesse ; & à luy descouvrir ce qu’il luy avoit caché si soigneusement durant si long temps. Apres avoir leû & releû sa Lettre, & en avoir esté satisfait, il ferma avec beaucoup de soing, les Tablettes dans lesquelles il l’avoit escrite : & m’ayant fait appeller en particulier, Feraulas (