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rien, ils s’en ſeroient retournez, n’euſt eſté qu’un autre cheval de noſtre Troupe ; comme il eſt aſſez ordinaire, ayant fait la meſme choſe que le premier, les fit reſoudre à s’avancer davantage. Cependant le Roy d’Aſſirie qui nous conduiſoit, haſta le pas, & nous fit aller beaucoup plus ville : de ſorte que quelquefois nous voiyons ces Gens venir droit à nous, & d’autres fois s’en eſloigner. Pour eux, je penſe qu’ils eſtoient bien faſchez d’ouïr des chevaux & de ne voir rien : Mais à la fin eſtant deſesperez d’entendre touſjours de temps en temps, tantoſt d’un coſté, tantoſt de l’autre, parce que nous changions noſtre route, des chevaux qu’ils ne voyoient pas, ils ſe mirent à tirer leurs Arcs au hazard, qui conduiſit quelques unes de leurs fléches ſi juſte que Mazare fut legerement bleſſe ? d’un coup de Traict à l’eſpaule : & un autre paſſa ſi prés de la teſte de Mandane, que l’excés de la peur qu’elle en eut, luy fit recouvrer l’uſage de la voix pour crier, ſans qu’elle en euſt l’intention. Cette voix ayant encore eſté entenduë par ceux qui avoient tiré, ils galopperent droit où ils creurent l’avoir ouïe : Cependant le Roy d’Aſſirie changea de place : & au lieu de marcher devant il marcha derriere, & commanda d’aller fort viſte. Mais enfin comme nous n’eſtions plus qu’à trente pas du Bois, il fut joint par ceux qui nous ſuivoient, & fut contraint de faire ferme, avec les huit qui ne menoient point de femmes ; juſques à tant qu’il jugea que nous eſtions dans le Bois. Et lors qu’il creut que cela eſtoit, pouſſant à toute bride avec les ſiens, il diſparut aux yeux de ceux qu’il avoit combatus, qui creurent ſans doute qu’il y avoit de l’enchantement en cette rencontre. Nous sçeuſmes à ſon retour, qu’ils avoient veu tomber deux de ceux qui l’avoient attaqué, & qu’il