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fort grand ſilence ; il faudroit vous dire bien des choſes D’abord elle eut quelque joye de ſe voir eſchapée de la fureur d’un Peuple aſſez inſolent, pour s’eſtre mutiné contre ſon Prince : de plus elle penſoit encore, qu’en quelque lieu qu’on la menaſt, il ſeroit incomparablement plus aiſé à Artamene de la retirer de la puiſſance du Roy d’Aſſirie que dans Babilone, qu’elle croyoit preſque imprenable. Ainſi penſant faire la choſe du monde la plus avantageuſe pour Artamene & pour ſa liberté, elle ſe laiſſoit conduire ſans reſistance : & ſans penſer à rien qu’aux moyens d’advertir promptement Artamene qu’elle n’eſtoit plus dans Babilone. Mais elle n’eut pas pluſtost aperçeu de loing la Garde avancée dont je vous ay deſja parlé, qu’elle changea de ſentimens : & ſe voyant ſi prés d’un ſecours preſque aſſuré ſi elle crioit, elle ne pût retenir le premier mouvement qu’elle en eut. Toutefois s’imaginant qu’elle ſeroit perir le Prince Mazare auſſi bien que le Roy d’Aſſirie ; elle creut qu’elle ne devoit pas le ſurprendre, & qu’elle devoit pluſtost le gagner. Mais pendant qu’elle agitoit la choſe en elle meſme, le Roy d’Aſſirie ayant pris plus à gauche, paſſa heureuſement cét endroit, & eſvita ce premier peril. Neantmoins comme la Princeſſe jugea bien que nous rencontrerions encore d’autres Troupes, elle adreſſa la parole au Prince Mazare, qui d’abord la ſupplia de ne parler point. Genereux Prince (luy dit elle malgré la priere qu’il luy avoit faite, & parlant aſſez bas de peur que le Roy d’Aſſirie ne l’entendiſt) s’il eſt vray que vous ayez une veritable compaſſion de mes malheurs, ſouffrez que la premiere fois que nous rencontrerons des Troupes du Roy mon Pere, je les apelle à mon ſecours : &