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de ne luy donner le lendemain au matin, & tous les jours ſuivans, qu’un habillement blanc ſelon. l’uſage des Dames Aſſiriennes, où l’on ne l’avoit point encore vouluë aſſujettir ; il pourroit entreprendre ce qu’il luy plairoit : mais qu’il faloit que cela ſe fiſt avec adreſſe : & que l’on nous en donnaſt auſſi à Arianite & à moy. Le Roy d’Aſſirie le preſſant alors de luy expliquer la choſe : Mazare luy aſſura qu’elle eſtoit preſque infaillible : & en effet il la luy dit, & luy fit advoüer qu’elle eſtoit fort ingenieuſe. Cependant le Roy d’Aſſirie ne manqua pas à l’inſtant meſme, de donner les ordres neceſſaires pour cela : de ſorte que le lendemain au matin Arianite & moy fuſmes bien ſurprises, de voir que l’on nous avoit oſté nos habillemens : & que l’on nous en avoit mis de blancs à leur place, comme les femmes de qualité de la Cour d’Aſſirie en portent. J’en demanday la raiſon, & l’on me dit que le Roy le vouloit ainſi : parce qu’en cas que la ſedition augmentaſt, il nous ſeroit plus aiſé de mettre la Princeſſe en ſeureté dans un Temple, & de paſſer pour Aſſiriennes. Comme Mandane n’eſtoit pas encore éveillée, nous nous habillaſmes Arianite & moy, ſans faire de reſistance : croyant en effet que cela ſerviroit à ſa conſervation. Mais comme elle eut apellé ſes femmes, & que voulant l’habiller elle vit qu’on luy preſentoit une robe blanche à l’Aſſirienne, quelque magnifique qu’elle fuſt, elle y eut une averſion ſi eſtrange ; que je ſuis perſuadée que les Dieux l’advertiſſoient de ſon malheur. Enfin elle fit beaucoup de difficulté de la prendre ; mais celles qui la ſervoient, luy ayant dit les larmes aux yeux qu’il n’eſtoit pas en leur pouvoir de luy en donner une autre ;