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Ce Traitre avoit meſme eu l’adreſſe de faire croire à ces Peuples, que la Princeſſe n’avoit pas d’averſion à un Mariage ſi avantageux : & que ce n’eſtoit que le Roy ſon Pere qu’elle craignoit, qui la faiſoit agir comme on la voyoit agir. Mais pour aller à Pterie, il faloit ſortir de Babilone, & c’eſtoit la difficulté : y ayant beaucoup d’obſtacles à ſurmonter dehors & de dans. Cependant Mazare avoit l’ame bien en peine : & durant que le Roy d’Aſſirie penſoit qu’il reſvast ſeulement à trouver l’invention qu’il cherchoit, ſon eſprit eſtoit eſtrangement partagé. Comme il eſtoit bon & genereux, il avoit beaucoup de difficulté à ſe reſoudre de contribuer aux malheurs de la Princeſſe : mais comme il eſtoit paſſionnément amoureux d’elle, il luy eſtoit encore plus difficile de conſentir qu’elle tombaſt en la puiſſance d’Artamene : & il aimoit beaucoup mieux pour ſon intereſt particulier, qu’elle fuſt entre les mains d’un Amant haï, qu’en celles d’un Amant aimé. Ce n’eſt pas que l’Oracle ne l’eſpouvantast : mais l’averſion de la Princeſſe le r’aſſeuroit : & enfin il voyoit le danger plus proche & plus infaillible du coſté d’Artamene, que de celuy du Roy d’Aſſirie. Un ſentiment jaloux s’eſtant donc emparé de ſon cœur, il s’apliqua fortement à chercher l’invention que le Roy d’Aſſirie demandoit : & il s’y apliqua meſme avec ſuccés, quoy que ce ne fuſt pas une choſe aiſée à trouver, que les moyens de pouvoir ſortir de Babilone ſans eſtre aperçeu. Mais Chriſante, je ſuis perſuadée qu’il n’eſt rien de ſi difficile, dont l’amour & la jalouſie jointes enſemble ne viennent à bout. Ce Prince dit donc au Roy d’Aſſirie, qu’il ne ſe miſt pas en peine : & que pourveû qu’il commandaſt aux femmes qui ſervoient la Princeſſe,