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l’explique.

Je n’aurois jamais fait, Chriſante, ſi je vous rediſois toute la converſation de la Princeſſe, de Mazare, & de moy : Le lendemain le Roy fit faire un magnifique Sacrifice, pour remercier les Dieux, de l’Oracle qu’il avoit reçeu : Mais admirez je vous prie le bizarre deſtin des choſes : ce que ce Prince fit pour remercier les Dieux, irrita le Peuple : qui commença de dire, qu’il faloit pluſtost faire des Sacrifices pour les appaiſer que pour leur rendre grace. Que la guerre que l’on faiſoit eſtoit injuſte : que la Princeſſe Mandane avoit raiſon : que les Babiloniens la devoient rendre au Roy ſon Pere : enfin apres avoir commencé de raiſonner ſur les actions du Prince, ils en murmurerent : du ſimple murmure ils paſſerent à l’inſolence ; de l’inſolence à la ſedition, & preſque à la revolte declarée. Cependant l’Hyver augmentoit, & la Canpagne eſtoit toute couverte de neige : cela n’empeſchoit pourtant pas les Aſſiegeans de continuer d’attaquer la Ville : & elle eſtoit tellement preſſée, que malgré ſa prodigieuſe grandeur, il n’y entroit preſque plus de vivres. Neantmoins l’Oracle conſoloit le Roy d’Aſſirie de toutes choſes : mais il ſe trouva pourtant eſtrangement embarraſſé peu de jours apres : car la faim commençant de preſſer le Peuple, acheva de luy faire perdre le reſpect qu’il devoit à ſon Prince, quelque injuſte qu’il peuſt eſtre. Et en une nuit, cette grande Ville ſe trouva avoir beaucoup plus d’hommes en armes dans l’enceinte de ſes Murailles, qu’il n’y en avoit au dehors : quoy que l’Armée du Roy des Medes fuſt, comme vous le sçavez, devenuë prodigieuſement forte par la deffaite du Roy d’Aſſirie ; à cauſe des Princes qui avoient quitté ſon Party, & qui s’eſtoient rengez de celuy de Ciaxare. Jamais