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luy dit elle, de ne partager pas la joye du Roy d’Aſſirie : ou du moins de me cacher vos ſentimens en cette occaſion. Je vous proteſte, Madame, luy reſpondit il, que vous ne me devez point avoir d’obligation, de ce que je ſens plus voſtre triſtesse, que je ne ſens la joye du Roy : puis qu’à dire la verité, mon cœur agit fans conſulter ma raiſon ; & que je ne fais, que ce que je ne puis m’empeſcher de faire. En effet Orſane m’a dit depuis, qu’il ne fut pas moins touché de cét Oracle que la Princeſſe : comme cette converſation n’eſtoit pas fort reguliere ; tantoſt Mandane reſvoit ; tantoſt Mazare s’entretenoit auſſi ſans parler : & le meſme Orſane m’a dit, que repaſſant en ſecret, l’eſtat preſent de ſa fortune, il ne pouvoit aſſez déplorer ſon malheur. Helas ! diſoit il en luy meſme, que puis-je eſperer ? ſi Mandane parle, elle parle d’une façon qu’il y a lieu de croire qu’Artamene ſera touſjours heureux, puis qu’il ſera touſjours aimé : Et ſi j’eſcoute l’Oracle, le Roy d’Aſſirie doit un jour eſtre content : & Artamene ne doit pas eſtre moins infortuné que Mazare. Mais pendant que ce Prince s’entretenoit de cette ſorte, la Princeſſe revenant tout d’un coup de ſa reſverie : Quoy, dit elle, je pourrois croire que mon cœur changeroit de ſentimens ! & que Mandane pourroit ſe reſoudre de faire toute la felicité d’un Prince, qui cauſe toutes ſes infortunes ! Eh le moyen que je puiſſe comprendre cela ? il faut donc ſi ce prodige doit arriver, que le Roy mon Pere meure ; qu’Artamene ne ſoit plus ; & que je perde la raiſon. Car à moins que de tout cela, je ne comprendray pas aiſément que Mandane puiſſe jamais eſtre Reine d’Aſſirie, comme il faudroit qu’elle la fuſt, pour faire que l’Oracle peuſt eſtre expliqué, comme le Roy d’Aſſirie