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s’ils vous attaquoient en ſa preſence. Je ne doute pas Madame, repliqua Mazare en rougiſſant, que ſi Artamene me connoiſſoit par voſtre raport, il ne m’eſtimast & ne me ſervist : mais s’il me connoiſſoit par moy meſme, il n’en uſeroit peut-eſtre pas ainſi. Vous eſtes trop modeſte (luy diſoit la Princeſſe, qui ne ſoubçonnoit point qu’il y euſt de ſens chaché en ces paroles) & vous m’en donnez de la confufion. Mais du moins, adjouſtoit elle, ſouvenez vous de deux choſes quand vous allez combattre : l’une qu’il y a dans l’Armée qui aſſiege Babilone, deux Princes de qui la vie m’eſt infiniment precieuſe : & l’autre qu’en voſtre ſeule perſonne conſiste toute la conſolation & tout le ſupport que je puis trouver dans cette Ville contre le Roy d’Aſſirie. Comme Mazare alloit parler, on luy vint dire que le Roy le demandoit : & certes je penſe qu’il fut avantageux pour luy d’eſtre interrompu : car il ſe trouvoit ſans doute fort embarraſſé à reſpondre bien preciſément au diſcours de la Princeſſe, ſans choquer directement ſes propres ſentimens, qui n’eſtoient guere tranquiles : eſtant certain que je ne penſe pas qu’il y ait jamais eu d’ame plus paſſionnée que celle de Mazare : ny guere de plus vertueuſe, quoy que l’amour ait porté ce Prince à des choſes fort injuſtes. Cependant l’hyver contre la couſtume de ce païs là, fut fort avancé, & meſme fort rigoureux : ce qui reſjoüiſſoit autant le Roy d’Aſſirie, que cela nous affligeoit : par la crainte que nous avions que le Roy des Medes & Artamene ne fuſſent contraints de lever le Siege.

Nous n’avions donc point d’autre recours qu’à prier les Dieux : & la Princeſſe fit tant, que par le moyen du Prince Mazare elle obtint la permiſſion d’aller tous