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non ſeulement celuy qu’elle regarde comme ſon Liberateur, mais meſme de faire perdre la vie au Roy ſon Pere. En verité, luy dit elle, vous eſtes bien cruel, de m’oſter la liberté de faire des vœux pour vous : car enfin tout ce que je puis en cette rencontre, eſt de ſouhaiter que vous ne ſoyez ny vainqueur ny vaincu de ceux que vous attaquez ou qui vous attaquent. Vous eſtes bien bonne, repliqua Mazare en ſoupirant, de me parler comme vous faites : mais apres tout Madame, l’honneur ne me permet pas de demeurer touſjours enfermé dans des Murailles, pendant que tant de braves Gens combatent. Quand je vous laiſſe dans Babilone, j’advoüe que je vous y laiſſe avec beaucoup de regret ; & que ce n’eſt pas ſans peine, que je quitte la glorieuſe qualité de voſtre Protecteur, pour prendre celle de voſtre Ennemy : mais tant de raiſons le veulent, qu’il n’y a pas moyen de s’y oppoſer. Car enfin, outre celle de l’honneur, que j’ay deſja ditte, & beaucoup d’autres que je ne dis pas : que penſeroit le Roy d’Aſſirie, ſi j’en uſois autrement ? Je luy deviendrois ſuspect : & il me priveroit peut-eſtre de l’honneur que j’ay d’avoir la liberté de vous voir. Encore une fois Madame, ſi je ſuis criminel en quelque choſe, ce n’eſt pas en celle là. J’advoüe neantmoins, que je ſuis infiniment à plaindre : & que l’eſtat où je me trouve, eſt infiniment malheureux. Helas, diſoit la Princeſſe, je ſuis bien marrie d’eſtre cauſe de l’inquietude que vous avez : du moins, adjouſtoit elle, ſi je pouvois trouver les voyes de faire sçavoir à Artamene, les obligations que je vous ay ; je ſuis bien aſſurée qu’il ne vous combatroit pas s’il vous connoiſſoit : & qu’au contraire, il combatroit pluſtost ceux de ſon Party,