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c’eſtoit de cette ſorte auſſi, que l’ingenuité de la Princeſſe, les luy faiſoit expliquer ſans y entendre fineſſe aucune. Cependant nous eſtions touſjours en une incertitude extréme : le moindre bruit nous troubloit : je n’entrois jamais dans la chambre de Mandane, qu’elle ne cherchaſt ſur mon viſage ſi je n’avois rien apris : & plus d’une fois elle creut y voir des marques de la victoire du Roy d’Aſſire, & de la mort du Roy ſon Pere, & de celle d’Artamene.

Mais enfin quelque temps apres, comme nous eſtions à ce meſme Balcon dont je vous ay deſja parlé ; Nous viſmes une groſſe nuë de pouſſiere s’eſlever bien loing dans la Plaine : & peu à peu nous diſcernasmes un gros de Cavalerie qui commença de paroiſtre. Cette veüe fit paſlir la Princeſſe de crainte ; mais apres avoir conſideré ces Troupes, il me ſembla qu’elles venoient trop viſté & trop en deſordre vers Babilone, pour eſtre victorieuſes. Madame, dis-je à la Princeſſe, nous avons vaincu infailliblement : & en effet, il eſtoit aiſé de le connoiſtre : car outre que ces Gens de guerre n’eſtoient pas en grand nonbre, ils alloient tellement en confuſion, qu’il n’eſtoit pas difficile d’imaginer que des Vainqueurs n’iroient pas ainſi Mais Marteſie, me diſoit la Princeſſe qui craignoit touſjours, que sçavez vous ſi ce ne ſont point des priſonniers de guerre que l’on ameine, & ſi le le Roy mon Pere ou Artamene ne ſont point enchaiſnez parmy ceux que je voy ? Mais enfin, Chriſante, nous fuſmes bientoſt eſclaircies de nos doutes : car quelque temps apres avoir veû entrer ces Troupes dans la Ville, nous etendiſmes un aſſez grand bruit dans l’Eſcalier. En ſuitte nous viſmes ouvrir la porte de la Chambre où nous eſtions ; & nous viſmes entrer le