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le moy avec ſerment : car ſi vous le faites, j’auray l’eſprit en quelque repos : & ſeray moins tourmenté de la cruelle jalouſie qui me perſecute. Ce n’eſt pas qu’elle n’aille encore plus loing : car je vous advoüe que ſi je penſois que qu’elqu’un peuſt jamais poſſeder Mandane, je mourrois deſesperé. Mais dans la paſſion qu’elle a pour Artamene, j’eſpere que ſi vous le tuez, elle n’en aura jamais d’autre, & ne ſe mariera meſme point. Voila, luy dit il encore, le ſervice que j’attens de vous, & que ſans doute vous ne me refuſerez pas, quoy qu’il ne ſoit pas aiſé de me le rendre. Car enfin il le faut advoüer, vous ne vaincrez pas Artamene ſans gloire : & vous trouverez voſtre recompenſe, en me rendant cét office. je vous laiſſe à juger ſi Mazare deuſt eſtre ſurpris d’un ſemblable diſcours : & je vous laiſſe à penſer s’il ne luy promit pas ce qu’il voulut ſans reſistance : eſtant certain que depuis que l’on diſoit dans Babilone qu’Artamene aprochoit, ſa paſſion eſtoit devenuë plus violente. Tant y a Chriſante, que le Roy d’Aſſirie s’en alla fort conſolé de la promeſſe qu’il luy fit de combatre Artamene s’il mouroit. Nous demeuraſmes donc ſous la conduite de Mazare, qui redoubla encore ſes ſoings & ſes bontez pour nous : & ſi l’effroyable inquietude où nous eſtions à tous les momens, d’aprendre quelque fâcheuſe nouvelle ne nous euſt tourmentée, l’on peut dire que noſtre captivité n’euſt pas eſté alors fort rigoureuſe. Cependant elle l’eſtoit beaucoup : Le Prince Mazare n’entroit jamais dans la Chambre de la Princeſſe, qu’elle ne tremblaſt, & ne cherchaſt dans ſes yeux, s’il avoit eu des nouvelles de l’Armée. Pour luy, il eſtoit touſjours plus amoureux : & je penſe qu’il eut beſoin de toute ſa generoſité, pour ſouhaiter