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point du tout, que de vous voir aimée de luy comme il vous aime, tant qu’il ne vous le dira point. Vous me pressez beaucoup Martesie, reprit la Princesse, mais je vous diray toutefois, que j’estime si fort Artamene, que quand je ne considererois que luy, je devrois tousjours souhaiter pour son repos, qu’il ne fust pas amoureux de moy le sçay bien, Madame, reprit Martesie, qu’à ne considerer que luy, la chose est comme vous la dites : mais je sçay bien aussi, qu’à ne considerer que vous, il vous est en quelque façon avantageux. de voir que le plus Grand Homme du Monde, & le plus accomply en toutes choses, vous estime & Vous aime jusques à l’adoration. Je ne doute point, repliqua Mandant, que l’estime d’Artamene ne me soit glorieuse : & je vous avoüeray de plus, que je la prefere à celle de tout le reste de la Terre. Mais je voudrois, Martesie, que cette estime ne fust suivie que d’une amitié telle qu’un Homme de sa condition la doit avoir, pour une personne de la mienne. Dites moy Madame, je vous en conjure, adjousta Martesie, si vous voudriez bien qu’Artamene que vous estimez tant, aimast quelque autre plus que vous ? Vous m’embarrassez un peu, repliqua la Princesse ; mais je pense toutefois que pourveu qu’Artamene m’estimast plus que tout le reste du monde, je ne me soucierois pas qu’il m’aimast un peu moins. Ha Madame, reprit Martesie, vous vous abusez ! & l’on ne sçauroit avoir cette indifference, pour l’affection de ceux de qui on desire l’estime. Et en effet, Madame, vous auriez grand tort de vouloir que celuy de tous les hommes qui a le plus d’esprit, & le plus de jugement, ne vous aimast