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qui ne vous fait que du mal. je le voudrois Madame, interrompt le Roy d’Aſſirie, ſi je le pouvois, mais je ne le puis, quoy que je le veüille : & je penſe qu’il m’eſt auſſi impoſſible de n’aimer pas la Princeſſe Mandane, qu’il eſt impoſſible à la Princeſſe Mandane de n’aimer pas Artamene. Mais Madame (adjouſta ce Prince avec un redoublement de colere eſtrange) ſi vous aimez ſa vie, laiſſez vous toucher à mes prieres : car sçachez que dans tous les combats que nous ferons, j’aporteray autant de ſoing à le chercher & à le vaincre ; que l’en apporteray à fuir & à eſpargner le Roy voſtre Pere. De plus, comme il eſt brave, & qu’il en a la reputation ; il n’y a pas un vaillant homme en toute mon Armée, qui n’ait deſſein de le rencontrer : imaginez vous donc que tous les traits qui partiront des mains de tous ces Soldats que vous voyez, ſeront lancez contre Artamene : que tous les Javelots ſeront tournez contre ſon cœur : que toutes les fleches, toutes les fondes, toutes les faux, toutes les eſpées, & toutes les Armes offenſives, ſeront employées contre luy : & qu’il ne tient qu’à vous de luy oſter tant d’Ennemis, & de ne luy en laiſſer plus qu’un à combatre. Ainſi cruelle Perſonne, ſi vous aimez Artamene, ne me haïſſez plus : & donnez moy quelque legere marque de bien-veillance & de repentir. Non Seigneur (luy reſpondit la Princeſſe en l’interrompant) vous ne me connoiſſez pas encore : ſi j’avois eu à changer de ſentimens, j’en aurois changé au nom du Roy mon Pere : & ce que je n’ay point fait pour luy, je ne le feray pas pour Artamene. Ce n’eſt pas (puis que vous me forcez de vous le dire) que je n’aye pour ce Prince une tendreſſe infinie, & une fidelité inébranlable : mais c’eſt qu’il n’eſt point de paſſion aſſez