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d’eſtre expoſée, je ne le fiſſe avec une joye incroyable : Ouy, Seigneur, ſi vous pouvez vous y reſoudre, ſouffrez que je ſois la victime qui redonne la Paix à toute l’Aſie : j’y conſens, & tout mon cœur. S’il ne faut pour vous ſatisfaire, pourſuivit elle, qu’oſter Mandane au malheureux Artamene, j’y conſens encore, pourveû que vous luy permettiez d’entrer au Tombeau : & qu’elle paſſe des moins du Roy d’Aſſirie en celles de la mort, qui luy plairont davantage. Quoy Seigneur (adjouſta la princeſſe, qui vit dans les yeux de ce Prince que ſes diſcours eſtoient inutiles) vous ne m’écoutez pas ! & vous meſme vous ne vous laiſſez pas fléchir ! Au nom des Dieux Seigneur, faites une action heroïque en cette tournée : ſurmontez la paſſion que vous avez dans le cœur : la conqueſte de Mandane, ne vaut pas pas tant d’illuſtre ſang que vous en voulez faire reſpandre : l’Amour vous a trompé Seigneur : la beauté qui vous charme, n’eſt qu’une illuſion agreable : & quand elle ſeroit telle que vous vous l’imaginez ; ce ne ſeroit apres tout, qu’un threſor que le Temps dérobe infailliblement bien toſt, à toutes celles qui le poſſedent. Revenez donc à vous Seigneur, & ſi vous eſtes raiſonnable, aimez la gloire, & la preferez à Mandane. Elle eſt plus belle qu’elle, & vous en ſerez mieux traité : Mandane meſme, vous en eſtimera davantage, & ne vous reprochera point l’infidelité que vous luy avez faite. Songez en effet que cette Princeſſe n’eſt pas digne d’une amour auſſi conſtante que la voſtre : elle vous haït ; elle vous mal-traitte ; & elle ne vous aimera jamais. Enfin ſoit parraiſon, ſoit par vangeance, ſoit par generoſité, redonnez la paix à toute l’Aſie, & haïſſez la Princeſſe Mandane,