Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée

tenter cette derniere voye de fléchir voſtre cœur : Songez donc, s’il vous plaiſt, que les Roys de Lydie, de Phrigie, d’Arrabie, d’Hircanie, & cent autres Princes ces tres vaillans qui ſont dans mon Armée, ne connoiſſent pas le Roy voſtre Pere, & ne ſont pas amoureux de vous comme je le ſuis pour l’eſpargner, comme je feray ſans doute. Enfin conſiderez je vous en conjure, que de deux cens mille hommes il pourroit arriver facilement, que quelqu’un vous privaſt d’une perſonne ſi chere. Ha cruel ! s’eſcriat’elle, à quel eſpouvantable ſupplice m’expoſez vous ? Ha ! impitoyable, luy reſpondit il, quelle dureté de cœur eſt la voſtre, d’aimer mieux que toute l’Aſie ſoit en armes ; que toute l’Aſie ſoit noyée de ſang ; que toute l’Ane ſoit deſtruite ; & que le Roy voſtre Pere ſoit engagé en une dangereuſe guerre, que de recevoir l’affection d’un Prince qui vous adore ; qui ne veut vivre que pour vous, & qui eſt preſt d’employer cette meſme Armée à vous conqueſter des Couronnes, ſi celle qu’il porte ne ſatisfait pas voſtre ambition ? Enfin, Madame, vous voyez deux cens mille hommes preſts à marcher, & preſts à combatte, ſi l’occaſion s’en preſente : Cependant quoy que tant de vaillans Capitaines, & tant de vaillans Soldats, ayent une ſorte, impatience de voir l’Ennemy & de le vaincre, un ſeul de vos regards, peut leur faire tomber les armes des mains. Ouy divine Princeſſe, vos yeux ſont les Maiſtres abſolus du deſtin de tant de Peuples : Vous n’avez qu’à regarder favorablement, Vous n’avez qu’à prononcer une parole à mon avantage, Vous n’avez qu’à n’eſtre plus inhumaine ; Vous n’avez qu’à me donner un rayon d’eſperance, pour faire que toute l’Aſie ſoit en paix, & que le Roy voſtre Pere ſoit en ſeureté.