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il eut beaucoup de part en noſtre converſation. Mais apres que la Princeſſe eut aſſez reſué, & ſe fut aſſez entretenuë, elle ſe coucha dans une Chambre qui touchoit celle où nous eſtions, où d’ordinaire elle ne faiſoit que paſſer le jour. Le lendemain au matin, à peine fut elle habillée, qu’on luy vint dire que le Roy d’Aſſirie la ſupplioit de luy permettre de la voir : Comme elle luy eut accordé ce qu’il demandoit, & qu’il fut entré ; Madame (luy dit il, apres, l’avoir ſalüée avec beaucoup de reſpect) me voudriez vous faire la grace, de paſſer dans la Chambre où vous avez accouſtumé d’eſtre ? Seigneur (luy dit elle, en nous faiſant ſigne de la ſuivre à Arianite & à moy) ce n’eſt point aux Captives à choiſir le lieu de leur priſon : & en diſant cela, elle ſuivit ce Prince qui luy donna la main, & nous la ſuivismes auſſi. Comme nous fuſmes dans cette Chambre, le Roy d’Aſſirie s’aprochant du Balcon ; l’ayant ouvert ; & tiré un grand rideau à houpes d’or, qui le cachoit quand on vouloit ; nous viſmes que toute cette grande Plaine que le ſoir auparavant nous avions veuë ſi ſolitaire, eſtoit entierement couverte de Gens de guerre : & de la façon dont je vy la multitude des Eſquadrons, des Bataillons, des Enſeignes differentes, des chevaux, & des Corps ſeparez, il me parut y avoir plus de quatre cens mille hommes en cette Campagne. Je vous laiſſe à juger ſage Chriſante, quel effet fit un objet ſi terrible dans le cœur de Mandane : elle creut toutefois d’abord, que c’eſtoit l’Armée de Ciaxare : mais elle ne fut pas long temps en une ſi douce erreur : car le Roy d’Aſſirie s’eſtant tourné vers elle. Vous voyez, Madame, luy dit il, que le deſſein que l’ay de vous conquerir & de vous meriter, n’eſt pas jugé ſi criminel par