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Mandane ne ſouffrira autre perſecution du Roy d’Aſſirie, que celle de ſes prieres, de ſes larmes, & de ſes ſoupirs. je vous laiſſe à penſer, ſage Chriſante, quels furent les remercimens de la Princeſſe, & quels furent les Eloges qu’elle luy donna : Enfin Mazare en vint à tel point avec elle, qu’elle l’aimoit comme un frere : & ce Prince ſe trouva ſi heureux durant quelques jours, qu’il ne ſe ſouvenoit ny d’Artamene, ny de rien qui le peuſt faſcher. Mais peu de temps apres, le Roy d’Aſſirie ayant eſté adverty du retour d’Artamene à Themiſcire ; de ſon arrivée à Ecbatane avec Ciaxare ; & des grands preparatifs de guerre que l’on faiſoit contre luy : haſta de ſon coſté l’execution de tous les ordres qu’il avoit donnez. Car dés le lendemain que nous fuſmes arrivez à Babilone, il avoit renvoyé en Lydie : il avoit auſſi envoyé en Phrigie, en Hircanie, en Arrabie, en Paphiagonie, & vers un Prince Indien : Le Prince des Saces auſſi, envoya de ſon coſté ſupplier le Roy ſon Pere de haſter les levées qu’il faiſoit faire en ſon Royaume. Cependant nous ne sçavions que fort confuſément les preparatifs de la guerre : car Mazare qui ne pouvoit ſe reſoudre de parler d’Artamene à Mandane, luy diſoit toujours qu’il n’en sçavoit autre choſe, ſi non qu’il eſtoit revenu des Maſſagettes, & que l’on ſe preparoit à la guerre. Durant cela, le Roy d’Aſſirie voyoit touſjours la Princeſſe, tantoſt : violent, tantoſt tres ſousmis, tantoſt ne faiſant que la regarder avec une profonde melancolie, ſans luy parler que fort peu ; & tantoſt auſſi luy parlant avec une colere extréme, ſans oſer pourtant lever les yeux vers les ſiens. Mais apres tout, j’ay cent & cent fois admiré la bonté des Dieux, en ce qu’ils ont fait qu’un Prince auſſi imperieux