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à force ouverte, ny à guerre declarée : il veut employer la ruſe, où la force ſeroit inutile : & avoir recours à l’artifice, puis qu’il n’y a point d’autre voye de n’eſtre pas malheureux. Cependant comme il voyoit le Roy d’Aſſirie fort irrité, & en eſtat de ſe porter peut eſtre à quelque extréme reſolution ; il le retint avec toute l’adreſſe imaginable : & luy fit beaucoup eſperer de ſes ſoins. En effet il vint voir la Princeſſe, mais il ne pût pas luy parler le premier : car comme elle avoit une extréme confiance en luy, & qu’elle n’ignoroit pas que le Roy d’Aſſirie luy diſoit toutes choſes ; elle luy parla d’abord avec tant d’eſprit, tant de vertu, tant de douceur, & d’une maniere ſi touchante ; que Mazare penſa preſque former la reſolution, de n’avoir plus que de l’amitié pour Mandane. Mais Dieux, que cette genereuſe reſolution eſtoit mal affermie ! Quand il ne faiſoit qu’eſcouter la Princeſſe, il avoit le cœur attendry ; la compaſſion luy faiſoit quaſi reſpandre des larmes ; mais dés qu’il levoit les yeux, & qu’il rencontroit ceux de Mandane, une nouvelle flame tariſſoit ſes pleurs, détruiſoit ſes premiers deſſeins ; & r’embraſoit toute ſon ame. La Princeſſe fut toutefois tres ſatisfaite de luy : car comme elle luy teſmoigna apprehender quelque choſe de l’humeur violente du Roy d’Aſſirie ; Non Madame (luy dit-il, d’une maniere à luy perſuader qu’il exprimoit ſes veritables ſentimens) ne craignez rien de la violence du Roy : je vous engage ma parole d’aporter tous mes ſoins à luy oſter toute penſée criminelle : Mais ſi je n’y pouvois pas reüſſir, je vous proteſte que de ſon Vaſſal je deviendrois ſon Ennemy, s’il avoit entrepris de vous deplaire : & que tant que Mazare ſera vivant, la Princeſſe