Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/396

Cette page n’a pas encore été corrigée

c’eſt pourquoy je n’ay plus rien à vous dire là deſſus. Vous pouvez encore prendre un chemin, qui m’obligeroit à vous redonner mon eſtime, & qui vous aquerroit encore l’amitié d’Artamene : Ha Madame, s’écria ce Prince tout hors de luy meſme, je ne veux point de voſtre eſtime toute glorieuſe qu’elle eſt ſans voſtre affection : & je ne veux jamais avoir de part en l’amitié d’un homme, qui poſſede toute la voſtre : & qui ſeul m’empeſche de la poſſeder. Non non Madame, il faut prendre des voyes plus violentes, pour decider les differents que nous avons enſemble Artamene & moy : & il faut que ſa mort me conſole de voſtre cruauté, ou que la mienne aſſure ſon bonheur & le voſtre.

En diſant cela il ſortit, & laiſſa la Princeſſe en une affliction extréme : il fut retrouver Mazare, & luy raconta tout ce que Mandane luy avoit dit. Ce malheureux Prince l’eſcouta avec une inquietude eſtrange : il y avoit des momens, où il n’avoit pas moins de douleur que le Roy d’Aſſirie : & il y en avoit d’autres, où il imaginoit quelque douceur, à penſer qu’il y avoit dans le cœur de la Princeſſe un puiſſant obſtacle pour empeſcher ce Prince d’eſtre aimé : & où il eſperoit qu’entre un Amant haï & un Amant abſent, il pourroit peut-eſtre faire quelque progrés : de ſorte qu’il ſe reſolvoit fortement, à taſcher de gagner l’eſtime & l’amitié de la Princeſſe. Il croyoit meſme ne faire preſque rien contre la generoſité : car, diſoit il, ce ne ſera pas moy qui empeſcheray Mandane d’aimer le Roy d’Aſſirie, ce ſera Artamene. Mais Dieux, reprenoit il un moment apres en luy meſme, cét Artamene qui s’oppoſe au Roy d’Aſſirie, s’oppoſera auſſi à Mazare : Mais, adjouſtoit il, Mazare ne veut pas vaincre