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luy dis-je, les Dieux ſont tout ce qui leur plaiſt : & la prudence humaine trouve quelquefois de l’impoſſibilité en des choſes, où il n’y en a point pour eux. Vous avez raiſon, dit elle ; auſſi ne fonday-je plus mon eſperance qu’en leur appuy.

En effet, le lendemain la princeſſe voulut aller au Temple : & on la conduiſit à celuy de lupiter Belus, qui eſt une des plus belles choſes du monde. Cependant comme le Roy d’Aſſirie vouloit taſcher de la gagner par la douceur, & qu’il craignoit de l’irriter, il ne la voyoit au plus qu’une heure par jour : encore eſtoit ce devant tant de monde, que la Princeſſe s’en trouvoit beaucoup moins incommodée. Le Prince Mazare la voyoit fort aſſiduëment par les ordres du Roy, qui l’avoit prie de taſcher de luy rendre office aupres d’elle : sçachant bien qu’il n’y avoit pas de perſonne au monde qui euſt plus d’adreſſe, ny gueres plus de charmes dans la converſation. En effet, ce Prince reüſſit ſi admirablement à ſe faire eſtimer de la Princeſſe, & à gagner ſon amitié, qu’il ne fut pas une petite conſolation à ſes diſgraces. Il eſtoit doux, civil, & reſpectueux : & quoy qu’il parlaſt touſjours à l’avantage du Roy d’Aſſirie, quand l’occaſion s’en preſentoit ; neantmoins nous voiyons dans ſes yeux une melancolie ſi obligeante ; parce que nous la croyons un effet de la compaſſion qu’il avoit de nos malheurs ; que la Princeſſe ne pouvoit quelquefois ſe laſſer de le loüer. Mais Chriſante, pour vous faire mieux comprendre toute la ſuite de mon diſcours, il faut que je vous deſcouvre en cét endroit de mon recit, une choſe que nous ne sçeuſmes que tres long temps apres que ce que je viens de dire nous fut arrivé ; & que nous ne ſoubçonnaſmes meſme point du tout ;