nous fuſmes là, le Roy d’Aſſirie voulut que la Princeſſe ſe repoſast un jour, à un Chaſteau où nous logeaſmes : pendant quoy l’on acheva de donner les ordres neceſſaires, pour cette magnifique Entrée. Je ne doute pas que vous ne trouviez eſtrange, d’oüir tant parler de magnificence, ſi toſt apres la mort de la Reine Nitocris : mais c’eſt que les Aſſiriens, non plus que les Peuples de Capadoce qui leur ont eſté ſousmis, ne portent que trois jours le deüil de leurs Rois : parce, diſent-ils, qu’il y a bien plus de lieu de ſe reſjoüir, que de s’affliger, quand ils ont achevé glorieuſement leur regne. Ainſi les Babiloniens qui avoient fait une ſuperbe pompe funebre à leur Reine, paſſerent bien toſt a une autre de reſjoüiſſance. Pour l’illuſtre Mandane, l’on peut aſſurer qu’elle ne prenoit guere de part à cette Feſte : Cependant quoy qu’elle euſt reſolu de ne ſe parer point, & de paroiſtre la plus negligée qui luy ſeroit poſſible, elle ne pût en venir à bout : car comme toutes les femmes qui la ſervoient, & qui nous ſervoient Arianite & moy, dependoient du Roy d’Aſſirie ; & qu’Arianite elle meſme eſtoit d’intelligence aveque luy ; nous ne trouvaſmes le matin que des habillemens tres magnifiques, & tous couverts de Perles & de Diamans. Pour moy, je vous avoüe que cét artifice ne me donna pas tant de colere qu’à la Princeſſe, qui penſa en deſesperer : & qui me querella preſque de ce que je n’en faiſois pas autant qu’elle. Madame (luy dis-je pour m’excuſer, & parce qu’en effet c’eſtoit mon opinion) le Roy d’Aſſirie qui cherche ſans doute à juſtifier l’action qu’il a faite envers ſes Peuples, par voſtre extréme beauté, veut qu’ils la voyent avec tout ſon eclat : mais il ne ſonge pas que
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