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croy, Madame, par tout ce que vous venez de dire ; & par mille autres petites choses, que j’ay remarquées en mon particulier) & que vous ne pouvez pas avoir veuës : que non seulement Artamene est amoureux ; mais qu’il est jaloux de Philidaspe : & que peut estre encore Philidaspe est aussi amoureux de vous qu’Artamene. Vous n’estes pas trop sage, luy dit la Princesse, de vouloir me faire recevoir tant d’ouvrages tout à la fois : Non Martesie, adjousta-t’elle, Philidaspe n’est qu’ambitieux : & je ne voudrois pas pour mon repos, le pouvoir soubçonner d’un autre sentiment. Ce feroit avoir trop de crimes à punir, pour une personne qui n’aime pas les suplices : c’est pourquoy ne songeons qu’à Artamene. Mais pour celuy-là, dit-elle, il faut y donner ordre : & m’empescher s’il est possible de recevoir un sensible desplaisir. Car enfin, poursuivit la Princesse, j’ay de l’estime pour Artamene ; je luy ay de l’obligation ; & je serois bien faschée qu’il me mist dans la necessité de le mal-traiter. C’est pourquoy Martesie, je vous ordonne tant qu’il fera aupres de moy, de faire avec adresse que toutes vos Compagnes y soient aussi, & de ne m’abandonner point du tout. Comme il faudra bien tost qu’il parte, & que le commencement de la Campagne aproche, cette contrainte ne durera pas long temps.

Apres cela, elle congedia Martesie, & demeura seule dans son Cabinet : Mais Dieux, que de facheuses & de tyranniques pensées, s’emparerent de son esprit pour le troubler ! & que cette profonde tranquilité dont elle avoit joüy jusques alors, se retrouva peu en son ame ! elle demeura pourtant dans la resolution qu’elle avoit prise avec Martesie ;