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venoit : Et par ce ſentiment là, nous fiſmes tout ce que nous peuſmes, & par prieres, & par promeſſes, & meſme par violence, pour n’aller pas ſi viſte que l’on nous faiſoit aller : mais il n’y eut pas moyen : car comme une partie de ceux qui nous gardoient, eſtoient des criminels qui ne pouvoient eſperer de pardon, ils obeïrent aux ordres qu’ils avoient reçeus : & nous menerent en un lieu où nous trouvaſmes un Chariot qui nous attendoit, & cinquante Chevaux d’eſcorte. Nous attendiſmes là Philidaſpe, qui vint bien toſt apres nous. En cét endroit, Chriſante ne pût s’empeſcher de dire à Marteſie, quel avoit eſté cét obſtacle que Philidaſpe avoit rencontre : & de luy raconter comment Artamene l’avoit veüe ſans la connoiſtre à l’entrée de la Tente : comment il avoit ſecouru Philidaſpe : comment il avoit tué ceux qui l’attaquoient, & facilité l’enlenement de Mandane. A ce diſcours Marteſie fit un grand mais apres avoir bien teſmoigné Ton eſtonnement, pour une advanture ſi extraordinaire ; elle reprit ainſi la parole. Je ne m’arreſteray point, dit elle, apres que vous m’avez apris un combat ſi eſtrange ; & que ſans doute le Roy d’Aſſirie n’a caché à la Princeſſe, que pour ne renouveller pas dans ſon cœur, le ſouvenir d’Artamene : Je ne m’arreſteray point, dis-je, à vous redire nos pleintes, pendant un ſi triſte voyage : ny avec quelle opiniaſtreté la Princeſſe Mandane ne voulut point ſouffrir que Philidaſpe luy parlaſt.

Mais je vous diray ſimplement, qu’enfin nous arrivaſmes à la ville d’Opis, où l’on nous fit loger dans un Apartement fort magnifique : & où Philidaſpe n’oublia rien pour