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ce que je n’éclate point en injures contre vous : ma bouche, Philidaſpe, n’en a jamais prononcé : & je ne sçay pas meſme. deſquels termes il ſe faut ſervir, en parlant à ceux qui m’outragent ; parce que juſques à cette heure, je n’ay point eſté outragée. Mais ce que je sçay de certitude, c’eſt que je ſens l’injure que vous me faites, comme une Princeſſe de grand cœur la doit ſentir : & que ſans m’emporter en une violence inutile, je ne laiſſe pas de vous haïr effroyablement : & de former un deſſein inebranlable, de ne me laiſſer jamais toucher, ny par vos reſpects ; ny par vos ſervices ; ny par vos larmes, ny meſme par vos menaces ; (car je dois tout craindre de vous) ny meſme encore par la veüe de la mort, quand vous me la feriez voir certaine. Mais encore une fois Philidaſpe, ſongez que vous pouvez en quelque façon reparer voſtre faute : & ſouvenez vous qu’il n’eſt rien de plus deraiſonnable, que de faire un grand crime inutilement. Penſez de plus, en quel eſtat vous allez mettre toute la Capadoce, toute la Galatie, toute la Medie, & toute l’Aſſirie : ou pour mieux dire encore, en quel effroyable deſordre vous allez reduire toute l’Aſie. Car enfin Aſtiage & Ciaxare, ne ſouffriront pas cét outrage ſans s’en vanger : tous les Rois leurs Alliez s’engageront dans leur party : craignez donc Philidaſpe, craignez, que vous ne ſoyez noyé dans les funeſtes ruiſſeaux de ſang que vous voulez reſpandre : car enfin il eſt des Dieux, & des Dieux vangeurs & equitables : des Dieux, dis-je, protecteurs de l’innocence oprimée : & ennemis declarez des Princes injuſtes. Mais Philidaſpe, eſt il poſſible que la Reine Nitocris qui eſt une Princeſſe ſi illuſtre, sçache quelque choſe d’un ſi eſtrange deſſein ? Et eſt il poſſible qu’il y ait