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Non non, interrompit la Princeſſe, n’attendez rien ny du temps, ny de vos larmes, ny de vous ſoupirs, ny de tout autre ſecours quel qu’il puiſſe eſtre : le cœur de Mandane ne ſe laiſſe pas gagner par de ſemblables voyes : & voſtre crime bien loing d’eſtre effacé par des larmes, ne le ſeroit pas par voſtre ſang. Ainſi Philidaſpe (car je ne puis me reſoudre de vous donner un Nom plus illuſtre, apres voſtre mauvaiſe action) preparez vous dés icy, à voir augmenter à tout les momens, la haine que je commençay d’avoir pour vous à Sinope. Voila quel fera le progres que vous ferez dans mon ame, & n’en doutez nullement : C’eſt pourquoy s’il vous reſte quelque rayon de lumiere dans l’eſprit, que voſtre injuſte paſſion, n’ait pas obſcurcy ; ſongez qu’il vous ſeroit beaucoup plus avantageux de me remettre en liberté, & de vous repentir de voſtre faute, que de la continuer. Nous ne ſommes pas encore ſi loing de Themiſcire, que vous ne le puiſſiez faire facilement : & je vous engage ma parole, d’obliger le Roy mon pere à ne ſe reſſentir pas de l’outrage que vous luy aſſez fait. Je vous promets meſme, que cette effroyable haine que vous avez fait naiſtre dans mon cœur, dés la premiere fois que vous euſtes deſſein de m’enlever ; s’en effacera preſque toute : & que je vous auray meſme quelque obligation, de vous eſtre ſurmonté pour l’amour de moy. Je croiray alors que vous m’avez veritablement aimée : ou au contraire, ſi mes raiſons ne vous perſuadent point, je croiray que le ſeul intereſt vous a fait agir : & que n’ayant pas de Sujettes qui portent des Couronnes, vous avez voulu ſonger à vous marier par ambition pluſtost que par amour. Au reſte, ne fondez pas voſtre eſperance, ſur